Startups : comment collaborer avec les collectivités ?
Retours sur l’événement Start&Up et une table ronde inspirante !
Dans le cadre de Start&Up, l’événement de Champagne-Ardenne dédié à l’innovation et à l’entrepreneuriat organisé par Innovact, Rimbaud’Tech,Neoma Business School, Le Village by CA (Reims), Creative Labz, l’Oenotourisme Lab et Grand E-Nov+, l’équipe GrandTesteur a eu le plaisir d’animer la table ronde « Startups : comment collaborer avec les collectivités ? » en présence de 3 startups de l’écosystème.
Le 4 novembre sur le campus de Sciences Po Reims et devant un auditoire de porteurs de projets innovants et startups, Maud Carpentier – Hermsdoff, Responsable des opérations au sein d’Eté Indien, Vianney Senlecq, Strategy & Opérations au sein d’Urban Radar et Loïc Voluer, fondateur de la startup Logiplace, ont ainsi pu partager leurs retours d’expérience et conseils pour prendre des premiers contacts avec les collectivités et convertir une première collaboration en partenariat pérenne.
Impliquer les collectivités dès les prémices de son projet pour appréhender la réalité du terrain
Comme nos intervenants l’ont souligné, la collaboration avec une collectivité peut être clé pour développer un projet innovant ; en effet, tous trois n’auraient pu développer leurs activités sans un partenariat avec une première collectivité.
Maud Carpentier-Hermsdorff a retracé le début d’Eté Indien en insistant sur l’aide que leur avaient apporté trois communes des Ardennes, en leur permettant de déployer des premières animations de sport-santé au sein de leurs territoires. Elle a également précisé que « Cela n’aurait également pas été possible sans le soutien financier de la Conférence des Financeurs du Département des Ardennes », qui soutient à l’aune d’autres départements, des projets innovants médico-sociaux par un système d’appel à projets annuel.
Du côté d’Urban Radar, la collaboration avec des collectivités a été particulièrement pertinente pour déployer la solution la plus adaptée aux besoins de ces acteurs.
“Le produit-phare d’Urban Radar n’aurait jamais vu le jour sans une rencontre
avec un élu de la ville de Versailles” – Vianney Senlecq, Urban Radar
En effet, l’élu municipal était intéressé par la solution initialement développée par la startup, une plateforme référençant l’offre de micromobilités sur un territoire, et leur a proposé de travailler sur la modélisation de la logistique urbaine à l’échelle du territoire, pour en comprendre l’impact et mieux la planifier.
Dans le cadre de son métier de consultant juridique en urbanisme, Loïc Voluer a, pour sa part, été sollicité par un de ses clients pour l’aider à la sécurisation juridique de son cimetière. C’est de ce besoin exprimé qu’est née une dynamique de co-construction avec cette commune, qui a abouti à la solution Logiplace, dédiée à la gestion administrative des cimetières municipaux.
De fait, une collaboration anticipée avec les collectivités dans le cadre du développement de son activité permet de déceler les véritables besoins de ces acteurs et de bénéficier d’un appui pour explorer la réalité d’un marché jusqu’alors inconnu. Les intervenants ont insisté sur l’importance de mettre en visibilité son projet lors de salons, d’événements et d’aller à la rencontre de ses prospects dès le départ, en s’informant à leur sujet pour créer du lien et en les encourageant à partager leurs besoins réels.
La table ronde était animée par Alizée Bogue, cheffe de projet GrandTesteur avec comme invités Vianney Senlecq, Maud Carpentier-Hermsdoff et Loic Voluer (de gauche à droite).
Quelques clés pour réussir sa collaboration avec une collectivité
1. Bien identifier sa cible
Les collectivités territoriales, qu’elles soient des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions, ont chacune des compétences bien précises, définies notamment par la loi NOTRe de 2015. A titre d’exemple, une commune aura la charge de l’éclairage des voies et espaces publics de son territoire, une intercommunalité pourra être responsable de la gestion des déchets si la compétence lui a été confiée par les communes, un département aura la charge de la sécurité incendie sur son territoire. Aussi, le porteur de projet devra s’assurer de s’adresser à la bonne cible.
Aussi, au-delà du type de collectivités, Loïc Voluer de Logiplace a également indiqué que la taille de la collectivité a son importance. Initialement, il pensait « taper haut » et s’adresser aux grosses communes avec sa solution de gestion de cimetières. Il se trouve que le marché des petites communes a été plus prometteur : « Aujourd’hui, il est fréquent de commencer à collaborer avec une commune, au sein d’une intercommunalité, et, de fil en aiguille, la solution est déployée sur plusieurs voire l’intégralité des communes de cette intercommunalité, soit par des contrats bilatéraux soit par des accords-cadres. »
2. Anticiper une perception différente de celle des startups en termes de délais et d’investissements
De son expérience chez Eté Indien, Maud Carpentier-Hermsdorff a conseillé d’être particulièrement proactif dans sa démarche : « Collaborer avec des collectivités implique des contraintes administratives et temporelles notamment, qu’il faut anticiper en préparant le mieux possible ses échanges et en ayant toujours un pas d’avance par rapport aux documents qui pourraient être requis pour avancer dans la collaboration. » Si les acteurs publics sont envisagés comme des prospects potentiels, il faut être conscient qu’il sera nécessaire de mobiliser du temps personnel et de travailler, sans contrepartie financière, dans un premier temps pour entériner le partenariat.
Loïc Voluer (Logiplace) a également insisté sur deux éléments clés à prendre en compte lors d’une collaboration avec un acteur public : la mobilisation de fonds publics et les délais de décisions et de paiement. « Une collectivité qui s’engage sur un projet est une collectivité qui met en jeu de l’argent public et qui, par conséquent, se doit de justifier ses dépenses auprès des usagers ». De fait, il indique qu’il est essentiel pour concrétiser une collaboration rémunérée que l’acteur public soit face à un projet sérieux et abouti, ayant déjà fait sa preuve de concept. D’autre part, la perception des délais d’une collectivité est souvent très différente de celle d’une startup.
« A titre d’exemple, le cycle de prise de décision pour une startup sera d’environ trois semaines, alors qu’une collectivité réfléchira en termes de semestres, voire d’années. Il faut donc s’adapter aux temps longs des acteurs publics et intégrer cela à son business plan. Les délais de paiement plus longs sont à prendre en compte car ils peuvent avoir un fort impact sur la trésorerie de la startup, particulièrement aux prémices de son développement. » – Loic Voluer, Logiplace.
3. Concilier les intérêts des différents interlocuteurs, notamment au prisme du binôme élus/services
Les trois intervenants se sont accordés à dire qu’il est essentiel de comprendre l’organisation des collectivités ciblées : quelles sont les différentes directions ? quels sont les périmètres d’actions des différentes équipes ? quels sont les intérêts propres de chaque service, de chaque individu ? Il est conseillé de bien prendre connaissance de l’organigramme et d’essayer de comprendre le jeu d’acteurs. En somme, « il faut composer avec l’ensemble des parties prenantes afin de concilier les points de vue et s’assurer que chaque direction, chaque équipe est au fait des avantages que pourra leur conférer le projet pour garantir leur implication dans le temps. », a expliqué Vianney Senlecq.
Aussi, « une collectivité est composée d’élus qui changent tous les 5 à 6 ans, mais également d’agents qui vont, en grande partie, rester même en cas de changement de ligne politique », a-t-il précisé. Les startups ont alors indiqué que cela représentait une opportunité pour les entreprises : cela signifie qu’il existe deux clés d’entrée pour porter son projet à la connaissance de l’acteur public. Un agent convaincu par le projet peut être un porte-parole de choix auprès du reste de la collectivité.
Enfin, bien que l’appui d’un élu soit souvent nécessaire pour déclencher une collaboration avec une entreprise innovante, « un projet ne se réalisera pas sans opérationnel à bord ; les agents sont les interlocuteurs qui vont travailler avec vous à la mise en œuvre du projet. », a indiqué Loïc Voluer.
« A la suite d’un changement d’exécutif sur l’un de nos projets, il a été nécessaire de convaincre les nouveaux élus de continuer le projet amorcé par l’ancienne équipe municipale. » – Maud Hermsdoff-Carpentier, Eté Indien
4. Bien prendre en compte les seuils des marchés publics
Lorsqu’un acteur public réalise un achat pour répondre à l’un de ses besoins, cet achat s’insère nécessairement dans le cadre de la Commande Publique. A partir du seuil de 40 000€ HT, une collectivité sera obligée de réaliser une publicité et mise en concurrence. A noter que ce seuil peut être remonté à 100 000€ HT en cas d’achat innovant (pour plus d’informations, vous pouvez consulter le webinaire GrandTesteur dédié).
Pour co-financer le développement de nouveaux cas d’usages et garantir une viabilité économique, Urban Radar se positionne sur un modèle hybride entre appels à projets liés aux mobilités et l’innovation et ventes directes aux collectivités. Étant donné son modèle économique, Logiplace ne dépasse jamais les seuils ; aussi, l’entreprise contractualise facilement de gré à gré avec ses clients. Enfin, au vu son domaine d’intervention, le financement par subventions d’Eté Indien fait partie intégrante de son modèle économique à ce stade ; la startup travaille également pour le compte de mutuelles et compte commercialiser très bientôt une offre B2C.
De nombreux entrepreneurs en herbe étaient présents pour bénéficier du retour d’expérience de nos startups invitées.
Des partenaires fidèles, fiables et fédérateurs
De nombreuses spécificités sont à prendre en compte, lorsqu’on envisage de travailler avec des collectivités. Certaines d’entre elles sont particulièrement intéressantes pour les startups.
« Travailler avec une collectivité sous-entend, entre autres avantages, la garantie de paiement de sa prestation, ce qui n’est pas négligeable pour une entreprise en développement, pour laquelle les défauts de paiement peuvent être fatals » a indiqué Loïc (Logiplace). Maud, d’Eté Indien, a également souligné que les élus échangent beaucoup entre eux : « un élu convaincu peut provoquer un effet domino auprès de ses pairs par le bouche-à-oreille ». Un projet qui aura fait sa preuve de résultat auprès d’un acteur public pourra ainsi bénéficier d’une excellente vitrine auprès de ses homologues.
Aussi, une fois embarquées, les collectivités sont des clientes très fidèles dans le temps. Loïc Voluer a ainsi mis en évidence une notion très parlante, celle de lifetime value. « Quand on monte sa startup, la lifetime value de ses prospects est un indicateur-clé pour déterminer le temps à passer sur chaque dossier. Cela correspond à l’estimation de la durée de vie de son client et donc de ce qu’il pourra rapporter financièrement à l’entreprise, opposé à son coût d’acquisition. » Les collectivités sont des partenaires fidèles une fois embarqués : à titre d’exemple, la lifetime value de Logiplace aujourd’hui est 12 fois supérieure au cout d’acquisition d’un nouveau client.
Pour conclure, nos intervenants ont trouvé essentiel de rappeler qu’il n’y a pas une seule méthode, une seule approche pour collaborer avec une collectivité. Il y a quasiment 35 000 communes en France, et donc 35 000 points de vue différents vis-à-vis d’un projet -cela sans compter les 1253 intercommunalités, les 93 départements et les 18 régions de France. Il faut savoir s’adapter à son interlocuteur ; cela passe par une compréhension approfondie de ses besoins, qui ne peut être obtenue que par l’échange.
Nous remercions chaleureusement nos trois intervenants pour leur disponibilité et leur prise de parole enrichissante, les participants pour leurs nombreuses questions ainsi que l’équipe organisatrice de Start&Up pour leur accueil.